samedi 26 décembre 2009

Blue Morning EP par Screenatorium




Né en septembre 2006, ce groupe construit autour de Djeh a sorti un premier EP en février 2007 (A girl's Wish EP). Suite à un remaniement du groupe, Nawelle se joint à lui, suivi de Fino. C'est sous cette nouvelle formation que le groupe sort son (second) premier EP "Blue Morning" un an plus tard. Derrière une magnifique pochette à l'onirisme fantastique dessiné par Niet (un graphiste talentueux qui est d'ailleurs responsable de toutes les pochettes et autre visuels du groupe), on découvre un album dépressif mais pas déprimant, un peu comme si Wax Taylor avait vendu son âme au fantôme de Crustation. Derrière l'histoire sentimentale, se raconte le récit assez surréaliste d'une perte (ou la découverte d'une absence) ainsi que l'addiction mentale qui en résulte... Il y a une progression assez subtile dans les atmosphères. De 'What if', planante et lumineuse, évocatrice de liberté, à l'ambiance emprunte de mystère de 'I Was Upstairs' ou se coule une voix féminine brusquement soumise et consentante; De 'Blue Morning', teinté d'un apaisement sombre, régressif, traversé d'éclats sonores étranges, à l'obsessionnel 'Memories'; De 'The Answer Lies', qui sonne comme l'écho désenchanté de 'Blue Morning' et porte une ambivalence très réussie, au poignant 'Addiction', enfermement consenti et désiré en un désir qui trouve son accomplissement en se nourrissant de lui-même; Screenatorium écrit une page musicale irrésistiblement envoutante, proche du fameux 'Bloom' de leur prédecesseur.

jeudi 24 décembre 2009

Orgamilk par Fresh Body Shop




Minimaliste, copieusement fourni en mélodies doucement entêtantes et en grilles d'accords subtiles, cet album ressemble à la version unplugged d'un best of. Difficile de ne pas tomber raide dingue de cette douzaines de titres au terme d'une écoute en boucle prolongée, le temps de s'imprégner de l'atmosphère particulière à chaque morceaux, de percer les petits secrets de chaque composition et de s'y installer. Il y a un peu d'Eliott Smith dans cette enchainement nonchalant de perles acoustique qui me rappelle le Either/or de ce dernier. On s'attachera en découvrant l'album pour la première fois aux évidences les plus notoires. Le feeling très Nirvanien de 'One More Joke' (génial intermède dissonant à 1:40 - j'adore), la mélodie entrainante de 'Down Theses Steps', les arpèges sur 'Guity Crowd' qui évoque le Creedence Clearwater Revival, le rock de 'All It Gives' et la mélodie efficace et catchy de 'Big Wood Cross',avant d'être happé par la nostalgie sourde de 'Word of Happyness', l'euphorie inquiète de 'Nice Day', la beauté simple et lumineuse de 'Fluid' (chanson éponyme méritée), la révolte ironique de 'The worst of all', la poésie brumeuse de 'Shell', la résignation mélancolique de 'You Belong to This', ou les clair-obscurs feutrés de 'Sun Ways'. La voix est toujours aussi parfaite, précise et inimitable. Et puis j'aime définitivement cet album qui ne se livre pas totalement à la première écoute et demande un peu d'assiduité pour livrer ses richesses, l'apparente monotonie s'efface alors pour laisser place à l'émerveillement.

mercredi 23 décembre 2009

Are you ready ? par Le Galago




Sans aucun doute un des meilleurs albums du panel Christophe Marc. La batterie est effarante d'ubiquité, les guitares rivalisent de nappes harmoniques glaciales à la profondeur marbrée et la voix n'a jamais été aussi juste émotionnellement, entre mélancolie extatique et euphorie inquiète. Que dire d'un tel enchainement sans s'empêtrer dans les adjectifs dithyrambiques, d'autant plus que l'excellence augmente au fil de l'album jusqu'à l'impeccable titre 'The Idiot'. Animals débute avec un enchevêtrement de guitares lumineuses, que la batterie de Gregory Pleiber-Lemoigne vient cadrer avec fermeté, juste avant que les nappes de synthé ne viennent plomber cet envol d'arrières pensées ténébreuses. On ne quittera plus cet entre-deux tout au long de l'album, oscillant sans cesse entre deux extrêmes insaisissables, Une pesanteur sournoise s'immisçant perpétuellement au cœur même d'échappées hallucinantes d'amertume. 'Are you ready' résume à lui seul cette introduction, alternant plages arides et désespérées, et séquences d'une amplitude harmonique presque irréelle. 'Murder', course frénétique dominé par la panique s'achève en compagnie d'un violon vénéneux. 'Low Heaven' marque un premier palier. On se hisse avec ce titre un cran au-dessus de tout ce que l'on a entendu avant. Plus de tension, plus d'âpreté, plus de vertige, et un martellement profond et hypnotique qui irrigue ce qui va suivre de sombres appréhensions. 'The self in the shell' s'achève ainsi sur une rythmique haletante traversée d'accords dissonants. 'Better This way' semble tellement opaque que même l'humour noir du titre ne parvient pas à l'éclairer. 'Everything is fine' (habillés d'accents aériens qui évoque un peu les Smiths) inaugure quelques titres presque optimistes. At Sandy's, diamant noir, magnifié de pâmoison torturée. 'Say Goodbye' offre un bouquet d'harmonies d'une étrange beauté avant la perfection sublime de 'The Idiot'. Et tout s'achève avec "C.C.", conclusion acoustique minimaliste et charmeuse.

The Funny Fall par Christophe Marc




L'écoute débute par une chanson d'amour torturée comme seul Christophe Marc sait les composer. Une intro de guitare sèche sur laquelle vient se greffer discrètement une seconde guitare, puis des percussion, un piano... progression subtile jusqu'au crescendo dont seul l'écoute peut rendre compte. l'album est splendide. A peine sorti de l'univers tourmenté de "Are you ready", on reprendra donc un grand bol de ce poison magnifique avec 'The Funny Fall', collection géniale de titres finement orchestrés ou cette voix éplorée nous emporte, entre mélancolie rageuse et introspections presque douloureuses (on frôle l'effondrement sans jamais s'y abandonner), pour y retrouver l'influence des Smiths avec 'Everything', magnifique mélodie à la noirceur éblouissante (des guitares qui claquent avec violence sur des arpèges aériens), et ce perpétuel équilibre très borderline' entre un désespoir sarcastique et des atmosphères habitée d'une beauté lumineuse incompréhensible. De 'Your Secret Garden', ballade obsédante d'une légèreté feinte plombée d'une sorte d'appréhension obscure, aux deux titres 'Here Is The City' et 'The Fair Game', évoluant entre triphop sombre et grinçant et rythmes indus asphyxiants, Christopne Marc nous entraine dans un voyage fascinant de complexité émotionnelle. 'At Sandys's' est particulièrement passionnante puisque nous avons droit à deux versions différentes, la première que j'avais comparée à un diamant noir se trouvant sur le premier opus de 'Galago'. La version présente est plus aboutie instrumentalement, plus évidemment sombre et teinté d'irrémédiabilité, plus intériorisée également. Si le final, dans un style très Cocteau Twins, est sans équivalence, j'ai malgré tout une préférence pour l'ancienne en ce qui concerne la première partie (une sorte de nudité beaucoup plus troublante). S'ajoutent à cet ensemble trois titres moins torturés, plus légers, presque sereins même si des ombres maussades semblent toujours prêtes à y prendre l'ascendant: 'In The Morning', 'Yes I Will' et surtout 'Here We Are', composition particulièrement remarquable.

lundi 21 décembre 2009

Worm Food par Ruth Theodore




Désireuse de partager au maximum sa musique, Ruth Theodore a diffusé pendant un an (2007-2008) son premier disque sur le site Jamendo. Elle a produit cet album (Worm Food) presque toute seule, jouant elle même la guitare, parcimonieusement accompagnée sur quelques morceaux d'un accordéon, d'un violon, d'une batterie ou d'une contrebasse et s’est associée pour le distribuer, au label indépendant anglais River Rats Records qui a la particularité d’utiliser des matériaux recyclés. Si vous avez loupé la brève apparition de ce petit chef d'œuvre, c'est trop tard pour le téléchargement gratuit. L'album n'est désormais plus accessible que via l'achat du digipack ou par téléchargement sur le site de la demoiselle: http://music.ruththeodore.com/ Vous pouvez néanmoins toujours l'écouter sur jamendo, en background vocal dans une chanson extraite de 'Only the Missile' de Robin Grey (évoluant lui aussi dans une mouvance musicale similaire). Originaire de Southampton, la surprenante anglaise de 26 ans a réussi d'emblée à marquer d'un nouveau style l'univers de la folk music tout en restant fidèle à l'esprit engagé et revendicatif qui la caractérise. Guitariste hors pair (son jeu essentiellement composé de picking, qui n'est pas sans rappeler Ani Difranco, est remarquable), cette chanteuse inspirée n'est pas en reste au niveau de la qualité des textes ancré dans le réalisme quotidien de la 'protest song' sans pour autant y sacrifier la dimension poétique. Les thèmes abordés avec un sens du détail qui fait mouche, rédigé avec beaucoup de finesse vont de la politique (Overexpanding) aux relations personnelles (Grounded), le tout agrémenté d'un certain esprit cabaret (on pensera à Brecht et Kurt Weill pour l'avant dernier titre évoqué) et des incursions vers le jazz klezmer ou tzigane. Le phrasé très personnel, net et percutant, habilement rythmé, se lie parfaitement au jeu instrumental heurté, souvent au bord de la rupture, sans jamais rien perdre d'un attrait indéfinissable et captivant quel que soit le tempo ou l'humeur. Les chansons plus apaisées ne sont d'ailleurs pas les moins convaincantes, comme par exemple le nostalgique "Nothing On" ou le magnifique "Kathy's Song". A noter, un deuxième album (White Holes of Mole Hills) est prévu pour février 2010...


"With no disrespect, I consider myself a South Coast refugee. Why? Because I stood helplessly by watching every one of my good friends die. Casualties of… peace and the filtered brutality of middle stream suburbia's small town mentality.
(...)

…before music got it its hair caught in the thick of fad and fashion and delusions of grandeur got tangled up with passion and splattered on our television screens and paper captions the lives of those who for the most would die to get reactions.


But how cowardly it is of me to list internal hardships, and have a pop at people cause we make such easy targets. And how difficult it is, to try and sing like no-one else has sung, and how brilliant it can feel to be pleased with what you've done. And how the incidental things will always have much more in tow and how the smallest of things will teach you everything you know."

Playlist by Ruth Theodore

jeudi 17 décembre 2009

Neema - EP par Lunar Train




Un peu comme si Brian Eno et Nico s'était retrouvés le temps de 5 chansons composées en apesanteur sur notre satellite capricieux, sous l'aile protectrice du Van Morrison d'Astral Weeks. L'amorce (A Princess Called Neema) repose sur une assez belle composition répétitive, qui hypnotise délicatement les sens. Les titres suivants sont réellement surprenants de sensibilité et de délicatesse fragile. parfaite perspective sonore sur 'Bug Time' et très subtiles interventions du synthé jouant avec la profondeur. Alliage idéal des voix, créant un climat lumineux et aérien. 'Music is Love' fait partie de mes trois préférées, mélodie maniérée et sensuelle, accompagnée d'une orchestration toute en retenue. Les deux titres suivant sont tout simplement parfaits. 'You're my Mirror', (on pense évidemment à 'I'll be your mirror'), étrange anamorphose de l'âme, je ne me vois que dans tes yeux (là, c'est moi qui extrapole). Poésie sublime de la guitare mêlée à la voix en arabesques sobres et chantournées. 'The Dream', summum de pâmoison harmonique, avec une touche infime de Syd Barrett apportant ce qu'il faut de soudain délire extatique. Beau travail et belle pochette pour cet album hors du temps.


All music by Melchiades (The Melchiades Estrada Band).
Lyrics and vocals by Maria (Vamp In A Box) and Melchiades.

Maria's vocals recorded at Best Of Studio (Athens, October 2007-January 2008).
Cover by Echo Blue Multimedia (source: Image*After).

All lyrics are available by clicking on the song titles.

Neema is an ancient Egyptian female name meaning "from a good family".

The album is also downloadable from Last.fm and Archive.org.

Repulse and Devastation par Rachael Please




"This starts and ends with I. I am both it's creator and it's destroyer, and I am to usher in a new world" (Je suis le début et la fin, je suis tout autant le créateur que le destructeur, j'annonce un nouveau monde)... hormis cette paraphrase de la bible volontairement provocatrice, peu d'infos sur ce groupe américain originaire du Wisconsin qui se compose d'un seul membre permanent: Rachæl Please (Vocals, Lyrics, Guitars, Sampling, Bass) et de collaborateurs occasionnels: Eden Bradfield (Violins), Zaynard Batty (Guitars, Bass), Clay White (Percussions). Cet album, faisant suite à "A Place To Rest", premier opus, apparait comme un mélange parfois tout à fait surprenant de boucan absolu et de trame mélodique recherchée ('Little King'  est fort proche des premiers 45 tours de Jesus & Mary Chain). Comme s'il fallait presque systématiquement masquer celle-ci derrière une muraille aussi bruyante que possible (Smiles and sacrifices - 1:34 à 2:12), le résultat est ici d'une beauté déchirante. Ailleurs, ce sera comme l'emprise irrésistible d'une sorte de fureur annihilatrice (Cf: The Immolation of Malachi - 0:48 à 1:11). l'album oscille perpétuellement entre ces deux extrêmes. Coup de génie ou canular, expressionnisme décadent ou envolée bruitiste inaudible, maîtrise orchestrale ou expérimentation hasardeuse ... Album frustrant parce que se refusant à être ce que l'on voudrait qu'il soit, traversé de zones d'ombres incompréhensibles et d'éclairs de folie. Mais sans doute, est-ce la volonté de 'Rachael Please' de ne donner que par intermittence, et d'arracher aussitôt le peu qui puisse s'offrir dans un accès de nihilisme extrême et hallucinant. On saisira donc au passage de sublimes fragments (les titres à la fois les plus intransigeants et les plus intéressants vont de 'Little King' à 'The Immolation of Malachi') ainsi que quelques plages d'une quiétude magnifiquement ambiguë (exemple: Of that Adorned). Un album qui ne peut laisser indifférent et dont les excès eux-même ont finalement valeurs d'étalon dans cette quête effrénée d'une beauté forcément insaisissable et qui ne pourrait se réinventer qu'après une traversée du miroir éprouvante et destructrice. Un troisième album, "Celebrate With Jesus Christ" est actuellement disponible en téléchargement sur les sites des majors (Amazon, iTunes, E-Music, Napster, Rhapsody).


"Rachael Please is not a band, Rachael Please is not heard, or watched, it is merely witnessed. Signal raped sonic artifacts bent into only barely comprehensible sound make up the majority of that which is to be found here.

It is not friendly, it is not sweet, it is not appropriate, it is not like anything you have ever heard before, or will ever hear again.

I am Rachael Please... This is my anti-music"


Rachael Please (Thayer, Etats-Unis)